Ils font Louvain-la-Neuve

Etudiante, commerçante, promoteur, éditrice, écrivaine et président de l’Assemblée des habitants : ils et elles sont l’âme d’une cité en perpétuel renouvellement.

Nikita, étudiante. – Pierre-Yves Thienpont

Par Jean-Philippe de Vogelaere et J.-P. D.V.

Journaliste de la cellule wallonne

Le 29/01/2021 à 17:35

Nikita Somville, étudiante : « La place des étudiants se réduit »

« Je ne pense pas que Louvain-la-Neuve soit une réussite sur le plan estudiantin. Vu qu’elle se transforme en ville résidentielle, notre place se réduit d’année en année. Les soirées sont de plus en plus cadrées, avec des heures limites ; des lieux estudiantins comme le Salmigondis sont fermés au profit d’autres activités. Même les festivités autour du lac sont aujourd’hui dans le collimateur. Et je ne parle même pas de la Petite Maison du Lac que des jeunes avaient investie et qui n’a toujours pas trouvé l’affectation culturelle qu’on lui promettait. »

Nikita Somville vit actuellement sa deuxième vie à Louvain-la-Neuve. Elle y est revenue pour ses études après y avoir vécu jusqu’à l’âge de 12 ans : « A l’époque, je l’adorais car c’était une ville très familiale, où tout le monde se connaissait. J’habitais un quartier chouette avec beaucoup d’enfants et, vu que c’était piéton, on pouvait jouer tranquillement. »

Martine Tasiaux, commerçante : « La congestion du trafic est un vrai souci »

« Je n’ai pas de boule de cristal pour vous dire comment sera Louvain-la-Neuve dans 50 ans mais, si je regarde en arrière, force est de constater qu’il a fallu du temps pour que la ville en arrive à ce stade. Quand mon mari a repris le Trusquin, un des plus vieux magasins, on ne travaillait pas encore six jours sur sept. On devait même carrément fermer lors des périodes de congés scolaires tellement c’était vide. »

Martine Tasiaux n’habite pas la cité estudiantine, mais toute sa vie a tourné autour : « Depuis toute petite, en fait, je l’ai vue se construire depuis la limite d’Ottignies. On allait encore au ciné à l’avenue Lemaître. Je me souviens aussi d’une année où j’ai dû étudier fenêtres fermées malgré la chaleur, à cause du bruit des chantiers. Aujourd’hui, je vis de l’autre côté de la N4. Et là, c’est la congestion du trafic routier qui est devenue un vrai souci. Au même titre que le coût du parking et de l’immobilier. »

Pierre-Yves Thienpont.

 

Jean-Luc Son, promoteur : « Effervescente et fluorescente »

« Louvain-la-Neuve est une réussite à mes yeux, je n’y vivrais pas si ce n’était pas le cas. Il y a deux adjectifs qui la décrivent à merveille. C’est une ville effervescente et fluorescente parce que, d’une part, les idées y fusent de toutes parts et parce que, d’autre part, elles se rechargent au contact des particules des autres. C’est surtout une ville qui – et c’était voulu dès sa conception – peut se vivre à pied ou à vélo – toléré tout de même – grâce à l’offre commerciale qu’on y trouve. »

Jean-Luc Son a été responsable du développement immobilier de l’UCLouvain avant de faire le grand saut dans le privé. Il est actuellement Managing Director chez REIM, qui développe le nouveau quartier Courbevoie à l’entrée de la ville : « La ville est un organisme vivant. C’est difficile de dire ce qu’elle sera à l’horizon 2050, mais si elle garde l’esprit, la politique urbaine de ses fondateurs, il y a fort à parier qu’elle gardera son harmonie. Il faudra aussi, question de citoyenneté, que le conseil communal prenne le pas sur le conseil rectoral pour lequel personne ne vote… »

Pierre-Yves Thienpont.

Sidonie Maissin, éditrice : « L’impression de rester jeune »

« C’est lors de mes études de romanes que je suis tombée amoureuse de cette ville. Venant de Gaume, j’ai découvert ici un autre monde, le côté “mélange” de la ville où l’on croise des publics différents en semaine ou le week-end. Même en vieillissant, j’ai l’impression de rester jeune avec des gens de tous les horizons et une ouverture d’esprit que je ne connaissais pas jusque-là. »

Sidonie Maissin est devenue éditrice aux éditions Académia et n’a plus quitté Louvain-la-Neuve : « C’est une réussite comme ville, très agréable d’y vivre, mais il faut absolument veiller à garder une ville accessible à tous, ce qui n’est plus le cas vu le coût de l’immobilier. Les politiques du logement qui sont menées actuellement ne sont pas assez fortes pour cette ville qui se devrait d’être un laboratoire d’essai, avec une cité écologique et une mobilité douce encore mieux mise en avant. Je le déplore. »

Pierre-Yves Thienpont.

Dominique Costermans, écrivaine : « Un laboratoire de démocratie »

« Je suis venue à LLN, il y a 37 ans pour suivre un programme universitaire qui me plaisait. C’était alors un chantier, avec des morceaux de ville et pas de possibilité de faire des courses, avec une sociabilité de l’entre-soi, très pesante, ghetto. Aujourd’hui, je vis dans une ville en grande voie de normalisation. »

Dominique Costermans est écrivaine. Elle apprécie « le laboratoire de démocratie mis en place par des personnes qui venaient de partout et qui sont restées très vigilantes quant à l’évolution de leur ville, avec un souci environnemental très fort. Et une université qui sert de moteur, avec une offre culturelle particulière, une jeunesse ». Son espoir est que la ville ne s’étende pas au-delà de la N4 pour qu’elle garde son caractère piétonnier : « C’est dommage qu’on ait laissé filer des magasins bios à Corbais alors qu’il y a une demande ici et qu’il faut prendre sa voiture pour y aller… »

Pierre-Yves Thienpont.

Sébastien Combéfis, président de l’AH : « Pas un campus mais une ville »

«  Le projet Louvain-la-Neuve est loin d’être terminé puisqu’on fait face au nouveau quartier Courbevoie et à celui d’Athéna/Lauzelle. Mais jusqu’ici, on peut dire que c’est une réussite dans la mesure où les différents usagers de la ville sont parvenus à se parler et à réfléchir ensemble à son évolution. Ce n’était pas si évident puisqu’on a connu différentes confrontations et différents recours face aux projets sur la table. On a cependant toujours fini par trouver des arrangements qui conviennent à la majorité. L’occasion pour moi de rappeler que nous sommes une ville universitaire et non un simple campus. »

Sébastien Combéfis est le nouveau président de l’Association des habitants (AH), élu pour deux ans. C’est la spécificité d’une ville qui, depuis le 22 novembre 1971, a toujours voulu impliquer ses habitants : « Et ma volonté est aujourd’hui de redevenir un groupe de pression constructif qui représente tous les habitants et pas seulement les personnes qui font partie de son conseil d’administration. »

Pierre-Yves Thienpont.